Baccalauréat 2018 à Ouahigouya : Sourd muet, Ousseini Zonon décroche son BAC Série D au 1er tour
Il était 11 heures 25 minutes lorsque nous recevions Idrissa Ouédraogo, le maitre de Ousseini Zonon au primaire.Visiblement très heureux du succès de cet élève de la 1ère promotion des élèves sourds au Baccalauréat, il avait aussi un regard évasif. Ses sentiments sont partagés. Pour une première fois de voir un enfant de cette couche sociale obtenir le 1er diplôme universitaire, l’événement est extraordinaire, mais son maître se montre déjà soucieux pour la suite de son cursus. « Comment va-t-il poursuivre ses études avec son handicap ? Avec cette situation de surdité et le problème de moyens, il faut prier pour que des bonnes volontés viennent à son aide» marmonne-t-il.
Les enseignants toujours très soucieux de l’avenir de jeune sourd muet qui compte aider ses « semblables » en évoluant dans l’enseignement
Idrissa Ouédraogo nous supplie de faire passer un message afin que les autorités ou des personnes de bons cœurs viennent au chevet du nouveau bachelier. Sur le champ, il prend des dispositions pour que nous puissions rencontrer le futur universitaire. Notre prochain interlocuteur est le vigile du centre d’accueil des sourds muets, chargé de nous mettre en contact avec le nouveau admis au BAC dès son retour du centre d’examen pour le retrait de ses relevés de notes. A 12h 15 mn, nous sommes au centre d’accueil au secteur 2 de Ouahigouya. La cours est vide, pour la simple raison que la majorité de ses occupants sont partis en vacances. Dans la cours voisine, où nous nous sommes retranchés, nous sommes face à un jeune bien élancé, de teint noir. C’est Ousséini Zonon, mais nous ne l’avons pas reconnu à première vue. Une vieille dame nous renseigne que nous sommes face à la personne que nous recherchons. «Il est venu m’annoncer qu’il a eu son examen. Malgré sa surdité, Ousséini ne dors pas, il a bossé tout le long de l’année scolaire » raconte la vieille dame.
Alors que nous sommes rejoints par une équipe de la RTB-télévision, Ousséini la vedette du jour se préoccupait de mettre quelque chose sous la dent. Il avait dans ses mains, un plat de haricot mélangé à l’attiéké. Il dépose le plat, prend une feuille où il écrit «Bonjour, veuillez appeler le gardien au 76 … il va venir ». 0bligés d’user de mimes approximatifs, nous lui rassurons que le responsable du centre est au courant de notre visite. Ce dernier,Javier ILBOUDO , Conseiller pédagogique itinérant (CPI) et fondateur de cette première « école intégratrice » (école des sourds) ne tarde pas à arriver. Il couvre son « protégé» Ousséini Zonon de félicitations et des accolades. La sueur au front, l’initiateur de cette école au bénéfice d’enfants sourds affiche une fierté bien légitime, se réjouissant d’avoir réussi le pari de donner la chance à des enfants qui n’étaient pas en situation d’étudier comme les autres.
Ils sont sourds, mais ils veulent ressembler aux autres à l’école: Ce n’est pas facile.Nous accueillerons à bras ouverts n’importe quel soutien, si petit soit-il»
Diminués par la maladie, il leur fallait un encadrement spécial. « C’est une joie indescriptible qui m’anime car l’enfant m’a rassuré il y a de cela trois jours que ça va aller. Cette année, nous avons eu 100% au CEP avec six candidats sourds muets (2 filles et 4 garçons), et voilà que Ousseini vient de réussir au BAC. Ce qui nous donne un taux de réussite de 100% également. C’est un succès à mi-parcours, mais je suis déjà satisfait car nous avons pu montrer aux parents que la surdité n’est pas un handicap insurmontable. C’est nous qui ne comprenons pas le gestuel. Avant son admission au BAC, il a dit qu’il veut évoluer dans l’enseignement afin d’aider ses frères qui traînent le même mal que lui. Mais nous allons discuter sur la suite de son avenir. Nous lançons toujours un message car nous avons réellement besoin de soutien. Le plus petit geste est signifiant parce que nous avons des enfants sourds venant des campagnes et qui manquent parfois de tout, même le savon. Ils sont sourds, mais ils veulent ressembler aux autres à l’école: Ce n’est pas facile. Nous accueillerons à bras ouverts n’importe quel soutien, si petit soit-il» a plaidé le fondateur Javier ILBOUDO. En attendant que son cri de cœur soit entendu, bravo à Ousséini Zonon. Sourd muet, âgé de 23 ans, il montre la voie à ses camarades en décrochant son BAC série D. Quelle preuve encore pour certifier que l’éducation inclusive est possible. Vivement que le travail de certaines volontés à l’image de ce centre des sourd-muet à Ouahigouya pour asseoir les bases de cette éducation inclusive et élargir son champ d’action sur le territoire national soit reconnu et soutenu.
Faso-nord.info
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